Observation
minush chat minushat des chats
niminushim mon chat
minushiss un petit chat
uminushima son chat
akushu il est malade akushipan il était malade
tshitakushin tu es malade
iakushini quand tu es malade
apu akushian je ne suis pas malade
akushińua il (l’autre) est malade
uapameu il voit qqn uapameu il le voit
nuapamau je le vois
tshuapamin tu me vois
tshuapamitin je te vois

Minush, akushu et uapameu sont des mots variables. Les mots variables en innu sont ceux qui prennent des marques grammaticales, ou flexions. Un mot variable est constitué d’au moins deux parties : une partie stable, qui généralement ne change pas, qu’on appelle le radical, et une partie qui change (les flexions qu’on ajoute). ni- et -im dans niminushim sont des flexions, minush est le radical du nom. n- et -au sont des flexions du verbe dont le radical est uapam-.  Les noms, les pronoms et les démonstratifs, ainsi que les verbes sont des mots variables.

RACINE OU RADICAL

Chaque mot est constitué d’une partie stable (une sorte de noyau qui ne change pas ou très peu) à laquelle on peut ajouter des éléments variables, qu’on appelle des morphèmes. C’est le noyau qui donne le sens à un mot, par exemple minush dans niminushim ou akush- dans tshitakushin, uapam- dans uapameu, alors que les morphèmes ajoutés donnent d’autres sortes d’informations, surtout grammaticales.

Les termes racine et radical jouent un rôle assez semblable, puisqu’il s’agit de bases de mot, qui portent le sens du mot; et on peut ajouter des morphèmes grammaticaux à ces bases de mot. Il peut même arriver qu’un radical soit une racine. Alors, comment distingue-t-on ces deux concepts? En fait, lorsqu’un mot a une base qui ne peut être décomposée en plus petites parties ayant un sens, il s’agit d’une racine. Si un mot est formé d’une base à laquelle on a ajouté des morphèmes qui ne sont pas des marques grammaticales, et que cette racine « enrichie » devient une nouvelle base qui prend des marques grammaticales, on parle alors de radical :

[racine + morphème] + marques grammaticales = radical + marques grammaticales
EXEMPLES DE FORMATIONS DE VERBES
([UAPA]racine+mmorphème)radical+eu = uapameu il voit qqn
([UAPA]racine+tmorphème)radical+amu = uapatamu il voit qqch
([MIKU]racine+amorphème)radical+u = mikuau c’est rouge
([MIKU]racine+shimorphème)radical+u = mikushiu il est rouge
Pour en savoir plus…

La racine d’un mot, qui est porteuse de sens, est un matériau de nature lexicale, alors que les flexions sont faites de matériaux de nature grammaticale.

À partir d’une racine, on peut former un radical, en annexant à cette racine du matériel dérivationnel. On parle alors de morphème dérivationnel, c’est-à-dire d’un morphème qui sert à former un nouveau mot, comme dans les exemples suivants :

[atusse-] + -pań- = [atusssepań]u il travaille vite
[atusse-] + -ssin = [atusseussin] une botte de sécurité
[ueńut-] + -ishi- = [ueńutishi]u il est riche
[ueńut-] + -apat- = [ueńutapat]amu il en voit plus que ce qu’il peut utiliser
REMARQUES
  • Dans atusseussin, le u souligné est le u de composition utilisé dans la formation de certains mots.
  • Dans le cas des verbes, il faut toujours ajouter une flexion, ici : -u (3e du singulier AI), -amu (3e du singulier TI)

Quant aux morphèmes grammaticaux, qui servent à marquer, entre autres, le nombre, la personne, le genre, le mode, le temps, etc., on les appelle aussi morphèmes flexionnels ou simplement flexions. Dans le cas des verbes, les morphèmes flexionnels peuvent aussi être appelés désinences ou terminaisons, mais, comme en innu, les flexions peuvent aussi précéder le radical ou la racine (par exemple pour les préfixes de personnes), le terme flexion est probablement plus adéquat. On dit des mots qui prennent une flexion qu’ils sont fléchis. Ainsi, les mots suivants sont fléchis

minushat des chats
niminushim mon chat
atusseu il travaille
nitatussen je travaille

RACINE

Lorsque le noyau ne peut être décomposé en plus petite partie ayant un sens, il s’agit d’une racine, comme miku et auass dans les exemples suivants :

EXEMPLES DE MOTS À PARTIR D’UNE RACINE COMMUNE
miku rouge mikuau c’est rouge
mikushiu elle est rouge
mikuekan qqch (étalé) est rouge
mikuieu il teint qqch en rouge
mikukasheu elle a les ongles rouges
miku-ashini une brique
auass un enfant, un jeune auassiu elle est jeune
auassikashu il fait le bébé
auassiunakuan il a une apparence jeune
auass-pimi de l’huile pour bébé
utauassimu elle a un enfant

Les mots ayant en commun le même noyau ou la même racine appartiennent donc à la même famille de mots. Ainsi, mikuau, mikushiu, mikuekan sont de la même famille, de même que auass, auassiu et utauassimu.

Toutefois, en innu, les racines ne sont pas toujours faciles à identifier, parce que, souvent, il y a une certaine variation dans leur forme, c’est-à-dire en finale de racine. Ces variations sont historiques et elles ont des causes phonologiques (liées à la prononciation). Ainsi, plusieurs racines qui se terminent par -t alternent avec des formes se terminant par -tsh, comme dans ueńut- ou ueńutsh-; des racines se terminant par -shk alternent avec -ss, comme atushk- ou atuss-. Ces changements sont souvent le résultat du contact entre la fin de la racine et le début de ce qui est ajouté à cette racine, par exemple les voyelles i et e qui ont modifié le k.

EXEMPLES DE RACINES QUI ONT UNE VARIATION PHONOLOGIQUE
ueńut- / ueńutsh- riche, abondant ueńutan qqch est abondant
ueńutishiu il est riche
ueńutishiun la fortune, la richesse
ueńutshieu il est riche en qqch
ueńutshi-mitshishu il est riche en nourriture
ueńutshitau il possède qqch en abondance
atushk- / atuss- travail atushkan un travail, un emploi
atushkanan-tshishiku un jour de semaine
atushkatamu il travaille à qqch
atushkueu il travaille pour qqn
atusseu il travaille
atusseshtamu il travaille à qqch
atusseun un travail, un outil
atusseu-miush un coffre à outils
atusseutshuap un atelier

Les mots qui ne sont pas décomposables en plus petites parties (par exemple, nipi eau, piku poudre, ush canot, etc.) sont à la fois des mots et des racines (c’est-à-dire des mots-racines). Les mots-racines peuvent être des noms, des pronoms, des démonstratifs ou des mots invariables : mitshuap maison, kun neige, auen qui, ne cela, ute ici. Par contre, les verbes sont toujours formés d’un noyau auquel on ajoute obligatoirement d’autres morphèmes.

DÉFINITION : RACINE
C’est la partie centrale de base d’un mot, à laquelle les autres morphèmes viennent se greffer. Ce noyau qui ne peut être décomposé en unités plus petites est appelé racine. Les mots qui ont une racine commune sont donc apparentés les uns aux autres et forment une famille de mots.

RADICAL

Le cas des verbes illustre bien la formation d’un radical à partir d’une racine, puisqu’on peut trouver plusieurs verbes qui appartiennent à la même racine :

EXEMPLES DE RADICAUX DE VERBES APPARENTÉS
pashteu c’est sec pashu il est sec
pashamu il fait sécher qqch pashueu il fait sécher qqch
uapatamu il voit qqch uapameu il voit qqn
mikuau c’est rouge mikushiu il est rouge

Le matériel qui est ajouté à une racine, pour former des radicaux, peut être décomposé en plusieurs parties ou morphèmes, mais on n’en discutera pas ici.

DÉFINITION : RADICAL
Le radical est constitué d’une racine à laquelle on a ajouté des morphèmes pour former une base qui pourra prendre des marques grammaticales ou flexions. Par exemple, quand on conjugue un verbe, on part d’un radical verbal auquel sont ajoutées des flexions qui donnent des indications sur la personne, le nombre, le mode, le temps, etc.
Parfois, un radical peut servir à créer de nouveaux mots, qui deviendront de nouveaux radicaux qui seront fléchis.

La notion de radical est importante pour comprendre les conjugaisons de verbes, puisque pour chaque conjugaison, on aura un radical de base. Cette question est discutée à la rubrique radicaux de verbe. Elle concerne aussi les classes de verbe.

FLEXIONS

Les flexions sont des morphèmes qui ont la particularité de donner des informations de nature grammaticale plutôt que lexicale. Par exemple, dans minushat des chats, -at est une flexion ou morphème grammatical qui ne nous donne pas le sens du mot, mais l’indication que ce mot est au pluriel.

En innu, le nom peut prendre un certain nombre de flexions différentes, indiquant entre autres le genre et le nombre, la possession, l’obviation, le locatif, etc.; le verbe partage certaines flexions avec le nom, mais l’inventaire des flexions verbales est beaucoup plus grand.

DÉFINITION : FLEXION
Les flexions sont des marques grammaticales qu’on ajoute à des mots ou à des radicaux. Elles servent à donner des informations grammaticales indiquant, par exemple, le genre, le nombre, la personne, la possession, l’obviation, le temps, le mode, l’ordre, etc. Ces flexions peuvent être des préfixes ou des suffixes ou encore un changement à la voyelle de la 1re syllabe (forme changée).
DÉFINITION : PRÉFIXE
Le préfixe est une flexion qui précède le radical ou la racine : niminushim mon chat, tshiminushim ton chat, uminushima son chat; nitatussen je travaille, tshitatussen tu travailles.
DÉFINITION : SUFFIXE
Le suffixe est une flexion qui suit le radical ou la flexion. On peut ajouter plusieurs suffixes les uns à la suite des autres : tshitatusse+t+akupan = tshitatussetakupan tu devais travailler; atusse+u+at = atusseuat ils travaillent.

Les préfixes de personne sont présentés plus en détail aux sections concernant le nom au possessif et les personnes du verbe.