Observation
atiku caribou ańik crapaud
amishku castor nishk outarde
kataku loin niak à l’avance
shuku tellement Ńuk Luc
passitsheku! tirez! tshek tout à coup
tshiashku goéland uenashk vite
eshku encore napeshk outarde mâle
pushku la moitié pashkushk outarde déplumée

Il y a en innu deux sortes de consonnes k en fin de mot : k et ku.

DIFFICULTÉ
L’identification des k labialisésPour produire un k labialisé ku, on arrondit les lèvres en prononçant le k, ce qu’on ne fait pas normalement pour un simple k. Il ne s’agit pas de deux sons (k+u), mais d’un seul phonème. ku (phonétique [kw]) n’est pas très difficile, parce que cela correspond normalement à une prononciation qui est différente de celle des k non labialisés [k]. Le [kw] n’existe pas comme phonème (ou unité distinctive) en français. En rendre compte à l’écrit en innu demande un symbole particulier, le k suivi du u exposant : ku.ATTENTION : Il est possible que les jeunes locuteurs prononcent de la même manière les deux consonnes. Il est important de leur faire prendre conscience de la différence entre k et ku.

Description du problème

Il y a en innu, dans tous les dialectes, deux sortes de consonnes k en fin de mot :

  • un k ordinaire, comme celui du français : mak avec, utshek pékan, inashk inévitablement;
  • un k labialisé, particulier à l’innu : eka maku! ne pleurez pas!, mashku ours.

En outre, la consonne ku a une influence sur la voyelle de la syllabe précédente, si cette voyelle est brève. C’est ce qui explique que cette voyelle se prononce souvent [u], alors que la voyelle historique est un i bref, comme si le son [u] contenu dans la consonne labialisée déteignait sur la voyelle brève précédente : atshiku [at∫ukw] phoque, ussishiku [ussi:∫ukw] son oeil. Ce phénomèneLINGUISTIQUE : il s’agit d’un phénomène d’harmonisation vocalique (ou assimilation vocalique) : « modification subie par un phonème au contact d’un phonème voisin ».
Dubois et al. 2012. Le dictionnaire de linguistique et des sciences du langage. Larousse, p. 55.
est très courant avec les consonnes labialisées.

Dans certains cas, les deux consonnes (k et ku) servent à distinguer des mots qui autrement seraient identiquesOn appelle paires minimales les mots qui ne se distinguent que par un son, voyelle ou consonne. On peut ainsi trouver des paires minimales qui ne se distinguent que par k et ku; pour cette raison, on considère que k et ku sont des phonèmes différents et non pas seulement des sons variables d’une même consonne. Le nombre de phonèmes possibles varie d’une langue à l’autre : un son peut en effet être un phonème dans une langue et pas dans une autre; par exemple, p et b sont des phonèmes en français, mais en innu, seul p est un phonème, alors que [b], quand on l’utilise, n’est qu’une variante de p. :

COMPARAISON DE MOTS QUI NE DIFFÈRENT QUE PAR LA PRÉSENCE DE ku OU k
maku! pleurez! mak et
napeshku ours mâle napeshk outarde mâle
ishkueshku ourse femelle ishkueshk outarde femelle
piku poudre pik pique (carte à jouer)
apu uapamaku nous ne le voyons pas apu uapamak je ne le vois pas
tsheku lequel tshek soudain

Solution orthographique

La solution orthographique qui a été retenue pour écrire en innu les consonnes labialisées est celle d’indiquer la labialisation par un u en exposant (ou en suspension) : kuDIALECTOLOGIE : D’autres langues algonquiennes utilisent plutôt la graphie kw. En innu, comme la lettre w n’est pas utilisée, cette solution n’a pas été retenue dans l’orthographe.. Cette solution a été adoptée très tôt dans le processus d’élaboration de l’orthographe innue, du moins pour le k labialiséLa solution a été plus difficile à prendre pour les autre consonnes labialisées, mais le cas du k labialisé a certainement aidé à trouver une solution pour toutes les consonnes labialisées.. Le nombre de mots ou de flexions qui se terminent par ku est important. En voici quelques exemples :

EXEMPLES DE MOTS OU DE FLEXIONS QUI SE TERMINENT ku
kaku porc-épic apu atusseiaku vous ne travaillez pas
muaku huard apu uapatamaku nous ne voyons pas qqch
eku et alors eku! ne me dis pas
sheku en dessous apu aimieku vous ne parlez pas
assiku casserole tshuitshiku il t’aide
uatiku terrier tshitapamiku! regardez-moi!
ańuku grive natutuku! écoutez-moi!
papeshuku par erreur apu shuku pas tellement
mashku ours apuanashku bâton à rôtir
tapashku dans le bois apuiashku hélice
unatsheshku écorce mauat eshku pas encore
kuishku droit uteishku cœur d’ours
uapishku sommet enneigé amumishku chaton de saule
pemapushku …et demi katshishushku outarde à demi séchée

OUTIL

Le dictionnaire en ligne est un bon outil pour repérer les mots qui se terminent par ku, car on peut y faire une recherche à partir de la fin des mots. Le dictionnaire imprimé est utile pour vérifier l’orthographe de mots en particulier.

STRATÉGIE DE VÉRIFICATION DE ku

En cas de doute, il est possible, pour beaucoup de mots, entre autres les noms et les verbes, de vérifier la présence d’une consonne labialisée : on y arrive en utilisant la stratégie qui consiste à ajouter un suffixe ou un morphème au mot qui se termine par un k; lorsqu’on entend un u (phonétique [w]) entre le k et le suffixe, cela reflète la présence de la labialisation, donc de ku. Cette stratégie est illustrée dans l’exemple suivant où une comparaison est faite avec des mots qui se terminent par un k non labialisé.

napeshku + at = napeshkuat des ours mâles
napeshk + at = napeshkat des outardes mâles
assiku + a = assikua des casseroles
natshek + a = natsheka des chèques
mishtiku + it = mishtikut dans l’arbre
nepissik + it = nepissikit sur le vélo
ni+mashku + im = nimashkum mon ours
ni+nishk + im = ninishkim mon outarde
nitshiku + iss = nitshikuss une jeune loutre
nishk + iss = nishkiss une jeune outarde
apu uapamitaku + t = apu uapamitakut ils ne nous voient pas
apatak + i = apataki si (des choses) sont utiles
uapatameku + i = uapatamekui quand vous verrez cela
uapatak + i = uapataki quand il verra cela
uapamieku + i = uapamiekui quand vous me verrez
uapamak + i = uapamaki quand je le verrai

Quand on ajoute un suffixe à une consonne labialisée, comme cette consonne ne se trouve plus en fin de mot, on obtient le son [u] ou [w] après la consonne. On écrit alors un u sur la ligne. Le son [u] ou [w] qui apparaît avec la suffixation reflète la présence de la labialisation (ex. mishtikut dans l’arbre, umashkuma son ours), par opposition à ce qui se passe avec la suffixation à un mot qui se termine par une consonne simple (ex. nishkiss petite outarde, unatshekim son chèque).

ku dans les noms composés

Les mots qui se terminent par ku peuvent être utilisés pour créer des mots composés. Comme pour la suffixation, dont il vient d’être question, avec l’ajout d’un mot après, c’est le son [u] ou [w] qui remplace la labialisation, reflétant d’ailleurs cette labialisation :

atiku + pimi = atiku-pimi
caribou graisse graisse de caribou
atiku + eshkan = atiku-eshkan
caribou bois bois de caribou
atiku + uiash = atiku-uiash
caribou viande viande de caribou
uinipeku + aueshish = uinipeku-aueshish
mer animal animal marin
uinipeku + namesh = uinipeku-namesh
mer poisson poisson de mer
mashku + pimi = mashku-pimi
ours graisse graisse d’ours
tshiashku + uau = tshiashku-uau
goéland œuf œuf de goéland
uinashku + pishimu = uinashku-pishimu
marmotte mois mois de mars (mois de la marmotte)
mishtiku + emikuan = mishtiku-emikuan
bois cuillère cuillère de bois
assiku + miush = assiku-miush
casserole boîte paqueton de casseroles
uatiku + maikan = uatiku-maikan
terrier loup tanière de loup
uatiku + aueshish = uatiku-aueshish
terrier animal animal à terrier

points reliés
VOYELLES BRÈVES : a et i PRONONCÉS u CONSONNES LABIALISÉES CONSONNES LABIALISÉES : mu COMMENT TAPER LE ?